EHPAD de demain : quels modèles ?
Mission «Flash» parlementaire
Mercredi 23 Mars 2022
CONTEXTE
La publication du livre de Victor Castanet, Les Fossoyeurs, a mis en lumière des dysfonctionnements majeurs dans certains établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) du Groupe Orpea (Groupe Privé Lucratif dans le domaine de l’hébergement des personnes âgées). Les parlementaires ont souhaité, face aux pratiques de ce Groupe, s’entretenir avec les organisations syndicales et notamment la CFTC sur le thème « quel est selon vous les modèles de l’EHPAD de demain » ?
Dans cette optique, le 23 février dernier, la Fédération CFTC Santé Sociaux a été auditionnée par Mesdames les députées Caroline FIAT et Véronique HAMMERER.
LES CONSTATS ET LES ENJEUX
Depuis quelques années, le projet médico-social d’origine des EHPAD s’est vu percuté par le changement de la population hébergée qui arrive de plus en plus tard avec des pathologies importantes.
Conséquence, l’augmentation drastique de la charge de travail des professionnels. Cette situation engendre un turnover élevé (près de la moitié des EHPAD fait état de difficultés de recrutement). Malgré une amorce d’effort de « médicalisation » de la part des pouvoirs publics, leurs réponses sont bien insuffisantes face à la charge de travail des personnels et aux attentes et besoins des usagers.
Le recrutement, la formation et la valorisation des métiers des structures dédiées à la dépendance et à la fin de vie sont indispensables à l’atteinte des objectifs que la CFTC fixe. Sans personnel en nombre suffisant, formé et trouvant un sens à leur travail, il n’y aura pas d’évolution favorable de ce modèle à repenser.
RÉFLEXIONS ET PROPOSITIONS D’ACTIONS CFTC
Quand le gouvernement évoque le passage des EHPAD privés en « sociétés à missions », d’autres proposent de les nationaliser.
La CFTC estime que le statut juridique des établissements ne doit pas influer sur la qualité d’accueil et de prise en charge des personnes âgées. En effet, c’est surtout le contenu des engagements contractuels passés entre les établissements et les autorités de tarification et de contrôle qui donnera crédit au suivi des engagements pris.
La CFTC souhaite pour plus de transparence instaurer un site internet, celui-ci pourrait répertorier tous les établissements, publics et privés, avec un certain nombre d’indicateurs (activités, hôtellerie, absentéisme…). Ce site permettrait ainsi aux familles et/ou aux futurs résidents de choisir en toute transparence leur lieu d’accueil.
Nécessité de rénovation de certains locaux.
Pour la CFTC, sans des EHPAD rénovés, on ne peut pas garantir la dignité de l’accueil des personnes âgées et la qualité des conditions de travail du personnel. Ces locaux surannés ne respectent même pas l’intimité de la personne ni la dignité des résidents.
Le besoin de rénovation des EHPAD était évalué en 2019 à 15 milliards d’euros sur 10 ans (rapport Libault), le Ségur de la santé ne prévoyait quant à lui que 2.1 milliards sur 4 ans, cela est bien insuffisant.
La CFTC préconise par ailleurs d’instaurer « un panier de service minimum » comprenant le coiffeur, les activités hebdomadaires de gymnastique, de jeux, d’activités culinaires et rencontres intergénérationnelles. Ce panier de services minimum pourrait être articulé avec le service national universel et le tissu associatif de proximité du moins pour le lien intergénérationnel.
La reconnaissance de la mise en place de la perte d’autonomie comme étant un risque de protection sociale à part entière a été repoussé depuis trop longtemps…
La CFTC souhaite confier à la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (CNSA) un rôle d’homologation de labels qualité de type Humanitude. La CNSA pourrait aussi financer les formations collectives en vue de l’obtention de ces labels, et ce quel que soit le statut de l’établissement.
Des formations spécifiques dans le cadre de la prise en charge relationnel des résidents devront être développées et permettre par ailleurs la revaloriser des diplômes ainsi que celui des parcours professionnels. Pour la CFTC, c’est l’un des principaux leviers pour redonner du sens au travail à forte valeur sociale ajoutée de ces métiers du soin.
Nous désirons donc que les préconisations du rapport El-Khomri « plan de mobilisation nationale en faveur de l’attractivité des métiers du grand âge » soient mises en application dans les meilleurs délais.
La CFTC vise la création au sein de la CNSA d’un fond « Qualité » afin de financer les actions relatives à la qualité de vie au travail et à la prévention des risques.
Par ailleurs, la CFTC souhaite porter, dans le cadre de la branche AT-MP de l’assurance maladie, un programme national de lutte contre la sinistralité de ce secteur : des actions de sensibilisation, des subventions pour des équipements permettant de réduire la pénibilité au travail …
L’aide aux aidants et leur accompagnement sont primordiales. L’arrivée en EHPAD est souvent un choc celle-ci étant mal préparée et par conséquent mal vécu par les familles. Il faut alors organiser une transition la plus douce possible, notamment par l’accueil de personnes qui ont une légère perte d’autonomie.
La CFTC demande le développement et généralisation de l’accueil de jour, du nombre de places d’hébergement temporaire programmé ou en urgence. Des équipes mobiles de gériatrie doivent être également favorisées afin de créer du lien entre la personne âgée et ses aidants vis à vis des différentes structures et professionnels de soins.
La CFTC reste favorable au décloisonnement des EHPAD. Par ailleurs, la CFTC désire aussi renforcer la médicalisation des EHPAD : création de postes d’Infirmières en Pratique Avancée, présence infirmière 24H/24 dans les services, rattachement systématique aux hôpitaux de proximité.
Concernant le ratio idéal entre soignants/résidents, la CFTC souhaite fixer dès 2022 un objectif d’augmentation de 25 % minimum de celui-ci comme le prévoyait le rapport Libault.
CONCLUSION
Comme bien souvent, le nerf de la guerre sera le financement octroyé par les pouvoirs publics, mais également par les sociétés privées. Celle-ci doit être à la hauteur des enjeux d’amélioration de la prise en charge de nos aînés.
Du personnel adapté, des locaux dans lesquels il ferait bon vieillir et des liens sans cesse avec l’extérieur sont la base pour que résidents et personnels forment l’équipe gagnante de « l’EHPAD de demain ».
Le fonctionnement en silos de nos politiques sociales et la désorganisation de la médecine de ville freinent le développement de l’Ehpad de demain. L’absence de grandes réforme depuis la loi d’adaptation de la société au vieillissement (2015) constitue par ailleurs un obstacle pour rénover les missions des Ehpad de demain. Il faut cependant inclure dans les politiques de la ville la question de la perte d’autonomie au sujet de la ville de demain et développer les expérimentations qui intègrent les Ehpad dans le réseau de proximité.
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