
Arrêts maladie : fin de la tolérance de la CNAM sur les périodes non prescrites entre 2 arrêts maladie
La tolérance autrefois appliquée par la Caisse nationale de l’Assurance maladie sur les interruptions non prescrites entre deux arrêts de travail, lorsque la période non prescrite entre deux arrêts de travail n’excédait pas une durée de 3 jours, a pris fin au 1er septembre 2024. Cette modification, d’apparence technique, a pour effet des conséquences concrètes pour de nombreux salariés. À cela s’ajoutent de nouvelles pistes d’économies avancées par l’Assurance maladie, dans un contexte de déficit croissant. Décryptage.
Fin d’une tolérance méconnue
Les interruptions courtes entre deux arrêts ne sont plus couvertes
Auparavant, la Caisse nationale de l’Assurance maladie (CNAM) maintenait le versement des indemnités journalières de la Sécurité sociale (IJSS) lorsque la période non prescrite entre deux arrêts de travail n’excédait pas une durée de 3 jours.
Depuis le 1er septembre 2024, les périodes non prescrites (en général le week-end et /ou un jour férié) en cas de prolongation d’un arrêt maladie ne sont plus indemnisées. Par ailleurs, en cas de prolongation d’un arrêt de travail, après un week-end ou un jour férié, un nouveau délai de carence de 3 jours s’applique excepté si la case « prolongation » est cochée sur l’arrêt de travail et si la prolongation est datée du lendemain du jour férié ou du week-end.
L’exemple de Sophie : quand quelques jours changent tout
Comprendre les impacts d’une simple date de prolongation
Prenons l’exemple de Sophie, aide-soignante dans un établissement hospitalier. Elle est arrêtée du mardi 6 mai au vendredi 9 mai 2025 pour un problème de dos. Son état ne s’améliorant pas, elle envisage une prolongation. Cependant, n’étant pas programmée au planning du service entre le samedi 10 et le lundi 12 mai, et pensant se reposer sur ses jours de repos habituels, elle attend le mardi 13 mai pour consulter à nouveau son médecin. La prolongation de son arrêt est alors datée de ce 13 mai.
Résultat :
- Du 6 au 8 mai, un délai de carence s’applique : pas d’indemnisation.
- Le 9 mai, Sophie perçoit une IJSS.
- Du 10 au 12 mai, elle ne reçoit aucune indemnité journalière, car ces jours ne sont pas couverts par un arrêt prescrit.
- Du 13 au 16 mai, une nouvelle carence de 3 jours s’applique.
- Ce n’est que le 17 mai qu’elle est à nouveau indemnisée.
Si Sophie avait consulté son médecin dès le lundi 12 mai et obtenu une prolongation datée de ce jour-là, la continuité aurait été assurée : les jours non couverts ne seraient pas indemnisés, mais aucun nouveau délai de carence ne lui aurait été appliqué.
Cet exemple souligne combien la date de prolongation peut impacter la situation financière d’un salarié, même lorsque celui-ci agit de bonne foi.
À retenir : attention aux délais entre deux arrêts
Si un salarié transmet une prolongation datée au plus tard le lendemain de la fin de son arrêt initial (par exemple le lundi après un arrêt se terminant le vendredi), les jours intermédiaires (samedi et dimanche) ne sont pas indemnisés, mais la prolongation échappe à un nouveau délai de carence.
En revanche, si l’interruption entre les deux arrêts est de 3 jours calendaires ou plus (y compris les jours fériés), aucune indemnité n’est versée pour ces jours et un nouveau délai de carence s’applique.
La suppression de cette tolérance engendre, par conséquent, une baisse de versement des IJSS.
Des économies en cascade pour l’Assurance maladie
Objectif affiché : contenir l’explosion des IJSS et du déficit
La suppression de cette tolérance s’inscrit dans une politique globale de réduction des dépenses. En 2024, le déficit de l’Assurance maladie s’élèvait à 13,8 milliards d’euros, et pourrait atteindre 16 milliards en 2025.
Des propositions qui interrogent
La Caisse Nationale d’Assurance Maladie propose notamment de :
- limiter les durées des arrêts maladie. Les dépenses d’IJSS ont augmenté de 27,9 % entre 2019 et 2023. Elle préconise de limiter à 15 jours la durée maximale d’un arrêt de travail et à 1 mois lorsque celui-ci est prescrit à la sortie de l’hôpital, puis par tranche de 2 mois maximum pour que le médecin assure le suivi de l’arrêt de travail ;
- suggérer, lorsque le travail du salarié est télétravaillable et que les conditions médicales et matérielles sont réunies, que le salarié bénéficie plutôt qu’un arrêt maladie d’un certificat de télétravail pour raison de santé ;
- transférer à la charge des employeurs l’indemnisation des premiers jours d’arrêt de travail, du 4ème au 7ème ;
- sortir les assurés du dispositif des affections de longue durée (ALD), dont la prise en charge est à 100%, en cas de guérison ou rémission de certaines pathologies (cancers, affections cardiovasculaires, etc.). 20 % de la population française (contre 4,8 % en Allemagne) sont aujourd’hui en ALD ;
- modifier la prise en charge des cures thermales. Elles coûtent chaque année environ 200 millions d’euros.
Des salariés sous pression croissante
La CFTC alerte sur les effets délétères pour les plus fragiles
En privilégiant une logique de stricte maîtrise des dépenses, ces mesures risquent de faire peser une charge supplémentaire sur les salariés déjà fragilisés par la maladie, ainsi que sur les structures qui les emploient.
La CFTC dénonce les effets délétères que pourraient entraîner ces restrictions : désinsertion professionnelle, renoncement aux soins ou encore dégradation de la santé au travail.
Repenser les causes des arrêts et remettre l’humain au cœur du système
La Fédération CFTC Santé Sociaux alerte sur une approche purement comptable de l’Assurance maladie, qui pourrait invisibiliser les véritables causes de l’augmentation des arrêts de travail. Dans nos secteurs – sanitaire, social, médico-social et de l’aide aux familles – les conditions de travail se dégradent depuis des années : sous-effectifs chroniques, épuisement professionnel, exposition prolongée à des situations de stress intense ou de souffrance humaine…
Plutôt que de sanctionner les salariés en difficulté, la CFTC estime qu’il serait urgent de s’interroger en profondeur sur les causes structurelles des arrêts maladie. Les modifications récentes, appliquées sans réelle publicité, frappent en priorité les personnes les plus fragilisées. Elles s’ajoutent à des difficultés déjà majeures pour obtenir un rendez-vous médical dans des délais raisonnables, notamment dans les zones rurales ou en forte tension démographique, où les déserts médicaux s’étendent.
Par ailleurs, la Fédération CFTC Santé Sociaux appelle à renforcer la lutte contre la fraude, qui nuit à la crédibilité du système et pèse sur la solidarité nationale. Mais cette lutte ne doit pas servir de prétexte à généraliser la suspicion ou à pénaliser l’ensemble des assurés.
La CFTC plaide pour une politique fondée sur la réhumanisation du soin et de l’accompagnement, concertée, et respectueuse des réalités de terrain, dans laquelle la protection des malades ne soit jamais considérée comme une variable d’ajustement.
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