Vaccination obligatoire : entre santé publique et gestion de l’absentéisme

Alors que le gouvernement envisage de réintroduire l’obligation vaccinale contre la grippe saisonnière pour les professionnels de santé et les résidents d’EHPAD, le débat refait surface.

Présentée comme une mesure de santé publique, cette disposition interroge pourtant sur son véritable objectif : protéger les plus fragiles ou limiter les absences du personnel pendant la période hivernale ?

 

Un retour à une obligation abandonnée en 2006

La vaccination contre la grippe a déjà fait l’objet d’une obligation pour les professionnels du soin.

C’est la loi du 19 décembre 2005 (LFSS pour 2006) qui l’avait instaurée, en l’ajoutant à la liste des vaccinations imposées aux soignants exposés aux risques de contamination. Mais à peine un an plus tard, cette obligation était suspendue par décret (14 octobre 2006), faute d’efficacité prouvée et face à une faible adhésion du terrain. Depuis, la vaccination antigrippale reste fortement recommandée, notamment pour les personnels en contact direct avec les patients et les personnes âgées. Mais les chiffres sont éloquents : selon Santé publique France, seuls 19 % des soignants en hôpital et 22 % en EHPAD étaient vaccinés lors de la dernière campagne.

 

Un objectif affiché : renforcer la prévention

Dans le Projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) 2026, l’article 20 propose de rendre à nouveau cette vaccination obligatoire pour les soignants, les étudiants en santé et les professionnels de la petite enfance. L’obligation serait aussi étendue aux résidents d’EHPAD, sous réserve d’un avis favorable de la Haute Autorité de santé (HAS).

L’intention affichée est claire : protéger les personnes vulnérables et prévenir les tensions dans les services pendant les épidémies. Mais dans les faits, beaucoup y voient surtout un outil de gestion du personnel.

 

Pour la Fédération CFTC Santé Sociaux, la santé publique ne peut pas se résumer à une série d’obligations.

Si la vaccination reste un outil essentiel de prévention, imposer cette mesure aux seuls professionnels de santé revient à faire porter sur eux la responsabilité d’un problème qui relève d’abord d’une politique de santé collective.

Les soignants ne sont pas les vecteurs uniques du virus, et encore moins ses responsables. Ce sont eux qui sont en première ligne, souvent les premiers exposés

Frédéric FISCHBACH, Président Fédéral

 

La CFTC estime par ailleurs que cette mesure vise davantage à réduire l’absentéisme qu’à répondre à une urgence sanitaire.

On sent derrière ce texte la volonté de stabiliser les effectifs en période hivernale. Mais la santé des professionnels ne peut pas devenir une variable de gestion.

 

La Fédération rappelle aussi que l’efficacité du vaccin contre la grippe varie chaque année, selon la capacité des laboratoires à anticiper la bonne souche du virus.

On ne peut pas rendre obligatoire un vaccin dont l’efficacité est incertaine. La confiance se construit sur la transparence, pas sur la contrainte.

 

Plutôt qu’une nouvelle obligation, la CFTC appelle à renforcer la prévention de manière concertée :

  • en informant clairement les professionnels,
  • en rendant la vaccination plus accessible sur les lieux de travail,
  • et en favorisant le dialogue dans les établissements.

 

Prévenir, c’est accompagner

La Fédération CFTC Santé Sociaux défend une approche fondée sur la responsabilité et la pédagogie.

Les professionnels de santé n’ont pas attendu la loi pour protéger leurs patients : ils appliquent déjà, chaque jour, les gestes barrières, les protocoles d’hygiène et les mesures de précaution nécessaires.

La prévention doit se construire avec les équipes, pas contre elles. L’obligation risque au contraire d’affaiblir la confiance, là où nous avons besoin d’adhésion.

La question n’est pas de savoir s’il faut se faire vacciner, mais comment convaincre plutôt qu’imposer

La Fédération CFTC Santé Sociaux plaide pour une politique vaccinale fondée sur la confiance et la reconnaissance des professionnels. Parce que la santé publique ne se décrète pas : elle se construit, chaque jour, avec celles et ceux qui la font vivre.