Loi « Infirmière » : de nouvelles responsabilités… pour quelle reconnaissance ?

Le Sénat a récemment adopté une proposition de loi qui pourrait transformer en profondeur le métier d’infirmier. Consultations, prescriptions, valorisation des soins relationnels, développement de la recherche clinique, autonomie renforcée… Autant de nouvelles missions qui ouvrent des perspectives ambitieuses pour la profession. Mais une question reste en suspens : ces évolutions seront-elles enfin accompagnées d’une reconnaissance à la hauteur des enjeux ?

Une autonomie renforcée… au service des patients

Ce texte de loi permettrait aux infirmiers de réaliser des consultations spécifiques, d’établir des diagnostics dans leur domaine de compétence, et de prescrire certains actes ou produits de santé, notamment dans le cadre du suivi des plaies. L’objectif est clair : fluidifier le parcours de soins, réduire les délais d’accès, et désengorger les cabinets médicaux.

Pour la CFTC, cette orientation va dans le bon sens. Elle valorise l’expertise infirmière tout en répondant aux besoins du terrain, en particulier dans les zones où l’accès aux soins est limité.

Une responsabilité qui appelle une reconnaissance

Mais confier davantage de responsabilités sans moyens supplémentaires serait une erreur. Plus d’autonomie implique une charge mentale et organisationnelle accrue. Cela nécessite une formation adaptée, un cadre d’exercice précis, et surtout… une revalorisation salariale à la hauteur des responsabilités engagées.

Depuis des années, la CFTC alerte sur le fossé entre les attentes envers les infirmiers et la reconnaissance dont ils bénéficient réellement. Si la société mise davantage sur eux, elle doit aussi leur donner les moyens d’exercer pleinement leurs missions.

Une réforme de la formation devenue urgente

Il est grand temps de remettre au centre la question de l’universitarisation de la formation infirmière. Il est temps de construire un véritable cursus Licence-Master-Doctorat en sciences infirmières, de développer la recherche clinique, et de renforcer les liens entre pratique de terrain et université.

Les 400 heures ajoutées dans le nouveau programme ne porteraient que sur du travail personnel. Mais alors, quand former les étudiants à la prescription ?
Par ailleurs, la formation continue des professionnels en poste nécessite des financements ciblés. Sans cela, les dispositifs risquent de se concentrer uniquement sur l’apprentissage de la prescription, au détriment d’une formation globale.

Cette dynamique est essentielle pour faire émerger une expertise infirmière forte, reconnue, et en capacité d’apporter des réponses concrètes aux défis du système de santé.

La position de la Fédération CFTC Santé Sociaux

Humanisme, qualité des soins, reconnaissance du travail accompli : la CFTC salue une loi qui va dans la bonne direction. Mais elle doit être suivie d’effets concrets. Chaque élargissement de compétence doit s’accompagner de :

  • Une revalorisation salariale réelle.
  • Un accompagnement structuré des professionnels.
  • Une co-construction avec les acteurs de terrain.

La confiance accordée aux infirmiers est un signal fort. Il est désormais impératif qu’elle se traduise par des moyens concrets, une reconnaissance légitime et un respect à la hauteur de leur engagement.

Marion MILED,
Pilote Commission professionnelle «IDE»

Ce qu’en pense la Fédération CFTC Santé Sociaux

La Fédération CFTC Santé Sociaux accueille avec une vigilance constructive cette proposition de loi, unanimement saluée par les responsables politiques et très attendue par le secteur. L’élargissement des missions des infirmiers – consultations, prescriptions, valorisation des soins relationnels – constitue une reconnaissance de leur expertise et un pas en avant dans l’organisation des soins.

Mais la Fédération tire la sonnette d’alarme sur un point crucial : la question de la reconnaissance financière reste entière. Plus de responsabilités sans revalorisation ni moyens supplémentaires ? Ce serait un non-sens. Il est impératif que cette réforme s’accompagne d’un véritable accompagnement structurel, à commencer par une revalorisation salariale claire et équitable, notamment pour les personnels hospitaliers et ceux du secteur privé associatif ou lucratif.

La loi prévoit bien l’ouverture de négociations pour les infirmiers libéraux. Mais qu’en sera-t-il pour les salariés relevant des conventions collectives ou les agents de la fonction publique hospitalière ? La CFTC exige que l’ensemble des infirmiers et infirmières, quel que soit leur statut, bénéficie d’une reconnaissance homogène et juste, notamment via des accords de branche et une relecture des grilles indiciaires.

Par ailleurs, la Fédération rappelle que ces évolutions ne peuvent réussir sans une refonte ambitieuse de la formation : il est temps d’aller vers un véritable cursus universitaire en sciences infirmières (LMD), soutenu par un développement massif de la recherche clinique et des financements adéquats pour la formation continue.

En somme, la CFTC soutient la dynamique portée par ce texte, mais refuse une réforme à moyens constants, qui ferait peser sur les infirmiers la charge de la transformation sans en reconnaître la valeur. Donner plus de place aux infirmiers dans le système de santé, oui. Mais avec les moyens, la reconnaissance et le respect que cela exige.

Frédéric FISCHBACH,
Président Fédéral

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